La légende de Saint-Efflam

Photos anciennes Saint-michel

   et le roi ARTHUR

La légende présentée est extraite du célèbre recueil " Barzhaz Breizh", avec l’annotation liminaire suivante : « L'église de Tréguier n'a pas de saint plus populaire qu'Efflam. et en le donnant pour patron à un hôpital de Morlaix, on n'en pouvait choisir aucun qui fut aussi agréable aux malades de la contrée, si ce n'est sainte Enora, sa femme, la patronne des nourrices bretonnes. Les services que l'un et l'autre ont rendus au pays de Tréguier, pendant leur vie, et les consolations qu'ils ne cessent de procurer à ses plus humbles habitants depuis leur mort, voilà tout ce qu'il y a de certain dans ce qui les regarde. (…) la tradition a associé le héros breton par excellence, le fameux roi Arthur, dont nul pays plus longtemps que celui de Tréguier n'a chéri la mémoire et attendu le retour.


FFLAM DEBARQUE EN BRETAGNE

Un roi d'Irlande avait une fille à marier; c'était la plus belle des princesses; elle se nommait Enora.Beaucoup l'avaient demandée, et elle avait refusé tous les partis, à l'exception du grand seigneur Efflam,fils d'un roi étranger, et qui était jeune et beau. Mais il avait formé le projet d'aller faire pénitence en un ermitage, au fond de quelque bois, et de quitter sa chère femme. Au milieu de la nuit même des noces, comme tout le monde était couché et dormait d'un profond sommeil, il se leva d'auprès d'elle, et sortit de la chambre sans faire de bruit. Et il sortit du palais sans éveiller personne, et s'éloigna rapidement sans autre compagnon que son lévrier; Et il vint au rivage, et chercha un vaisseau ; mais il avait beau regarder de tout côté, il n'en voyait aucun, car la nuit était noire. Quand la lune se leva dans le ciel, il aperçut auprès de lui un petit coffre percé, perdu et ballotté par les flots. Il l'attira à lui et y monta incontinent; et le jour n'était pas levé, qu'il était sur le point d'arriver en Bretagne.


E COMBAT DU ROI ARTHUR CONTRE LE DRAGON

La Bretagne était alors ravagée par des animaux sauvages et des dragons qui désolaient tout le canton,et surtout le pays de Lannion. Beaucoup d'entre eux avaient été tués par le chef suprême des Bretons, Arthur, qui n'a pas encore trouvé son pareil depuis qu'il est sur la terre. Quand saint Efflam prit terre, il vit le roi qui combattait, son cheval à ses côtés, étranglé,renversé sur le dos, rendant le sang par les naseaux.


 

 

 

 

 

 

Repaire du dragon, le Grand Rocher est posé au beau milieu de la plage de Saint-Michel-en-Grève

Devant lui face à face un animal sauvage avec un œil rouge au milieu du front, des écailles vertes autour des épaules, et la taille d'un taureau de deux ans; La queue tordue comme une vis de fer, la gueule fendue jusqu'aux oreilles, et armée, dans toute son étendue, de défenses blanches et aiguës, comme celles du sanglier. Il y avait trois jours qu'ils combattaient ainsi sans pouvoir se vaincre l'un l'autre; et le roi allait s'évanouir, lorsque arriva Efflam. Quand le roi Arthur vit saint Efflam, il lui dit:
- Voudriez-vous, seigneur pèlerin, me donner une goutte d'eau?
- Avec l'aide du Seigneur, Dieu béni. je vous trouverai de l'eau.

Et lui de frapper du bout de son bourdon, par trois fois, la roche verte à son sommet. Si bien qu'une source jaillit à l'instant du sommet du rocher, qui désaltéra Arthur et lui rendit force et santé. Et lui de fondre de nouveau sur le dragon, et de lui enfoncer son épée dans la gueule, si bien, que le monstre jeta un cri et roula dans la mer, la tête la première. Le roi, après l'avoir tué, dit à l'homme de Dieu:
- Suivez-moi, je vous prie, au palais d'Arthur; je veux faire votre bonheur.
- Sauf votre grâce, seigneur, je ne vous suivrai point; je désire me faire ermite; si vous le permettez, je passerai toute ma vie sur cette colline.


NORA, SAINTE PATRONNE DES NOURRICES

Enora fut bien surprise, le lendemain matin à son réveil, demandant ce qui était arrivé et ce qu'était devenu son mari. Comme l'eau coule dans les ruisseaux, les larmes coulaient de ses yeux, délaissée qu'elle était, hélas! par son ami et son époux. Elle pleura pendant toute la journée, sans trouver de consolation à son âme; la nuit elle pleura sans que l'on pût la consoler. Enfin elle s'endormit de lassitude, et eut un songe. Elle vit son mari debout près d'elle, aussi beau que le blond soleil, et il lui disait:
- Suivez-moi, si vous voulez ne pas perdre votre âme; suivez-moi sans retard dans la solitude pour travailler à votre salut.

Et elle de répliquer dans son sommeil:
- Je vous suivrai, mon ami, où vous voudrez; je me ferai religieuse pour travailler à mon salut.

Les vieillards ont dit comment les anges la portèrent, endormie dans leurs bras, par-delà la grande mer, et la déposèrent sur le seuil de l'ermitage de son mari. Quand elle se réveilla au seuil de l'ermitage de son mari, elle frappa trois coups à la porte:
- Je suis votre douce et votre femme, que Dieu a amenée ici.

Et lui de la reconnaître à sa voix, et de se lever bien vite, et de sortir; et, avec de belles paroles sur dieu, il mit sa main dans sa main. Puis il lui éleva une petite cabane près de la sienne, à gauche, au bord de la fontaine, couverte de genêts verts, à l'abri, derrière la roche verte. Ils restèrent là longtemps; enfin, le bruit des miracles qu'ils faisaient se répandit dans le pays, et on venait chaque jour les visiter.


ne nuit,

les hommes qui étaient sur la mer virent le ciel s'ouvrir; et ils entendirent des concerts qui les ravirent de bonheur. Le lendemain matin, une pauvre femme qui avait perdu son lait vint trouver Enora, portant son petit enfant sur le point de mourir. Elle avait beau appeler à la porte, Enora ne venait point ouvrir; alors elle regarda par un petit trou, et vit la dame étendue morte. Aussi belle que le blond soleil, et toute la cabane éclairée, et près d'elle à genoux, un petit garçon vêtu de blanc.Et elle de courir pour avertir le bienheureux Efflam ; mais la porte de l'ermitage était grande ouverte, et il était mort comme sa femme. Afin qu'on n'oublie point ces choses, qui n'ont jamais été consignées dans aucun livre, on les a mises en vers, pour être chantées dans les églises.


NOTES

Les églises dont il est ici question sont probablement celle de Plestin , où l'on voit le tombeau d'Efflam, monument du seizième siècle qui en a remplacé un autre du dixième, et celle de Perros-Guirec, au portail de laquelle un sculpteur des premières années du douzième siècle (…) a représenté la victoire que le roi Arthur remporta sur le dragon de la grève de Saint-Michel, grâce à l'intervention du saint. (…) Le bas-relief de Perros montre Efflam s'avançant et plongeant sa crosse dans la gueule du monstre, tandis que le roi, fatigué, se tient derrière lui, tenant à la main une épée qui semble prête à lui échapper.

Moins sincère que le poète breton, le rédacteur de la légende latine prétend que la vie du saint a été écrite après sa mort, et même qu'on en a trouvé la lettre dans son tombeau. Cette découverte aurait été faite par un pieux ermite qui balayait par dévotion et ornait tous les dimanches la grotte où priait le bienheureux: des gouttes de sang jaillirent un jour de terre devant lui à l'endroit où se trouvait le corps d'Efflam et le lui indiquèrent. C'est de là qu'il fut transporté dans l'église de Plestin par l'évêque de Tréguier, le 6 novembre de l'an 999, dit-on, avec une pompe digne d'un saint et d'un fils de roi.

La célèbre croix de la lieu de grève, que la mer recouvre à chaque marée et dont on lui attribue l'érection, peut très bien être un monument de sa foi et de sa sollicitude pour le salut des voyageurs. On voit dans le sable, après les tempêtes, des débris de chênes et de bouleaux, restes de la grande forêt où il habitait. Les arbres de cette forêt étaient encore en telle vénération du temps où fut écrite sa légende latine, que l'auteur assure qu'on n'aurait pas osé en couper un seul, ni même en ramasser à terre une branche pourrie. Selon lui, c'est au saint qu'il faudrait attribuer le culte dont elle est l'objet et les merveilles qui s'y passent (…).